BASTIAN (Novel) - Chapitre 11
La musique de la valse, menée par les pas gracieux et confiants de Bastian Klauswitz, se déployait telle une mélodie dans la nuit printanière. Ses mouvements étaient sans effort et précis, chaque pas exécuté avec la plus grande précision et élégance.
Odette observait, émerveillée, sa dextérité, s’attendant presque à ce qu’il trébuche ou hésite, mais à sa grande surprise, il semblait glisser sans effort sur la piste de danse. Son comportement était calme et posé comme toujours, presque hautain dans sa confiance, comme si cela allait de soi.
Bien que cela fût un peu embarrassant de le voir si sûr de lui, Odette retrouva rapidement son calme et se mit à bouger avec grâce à ses côtés. La valse représentait parfaitement la beauté du printemps, et les deux danseurs en étaient l’incarnation.
La musique tourbillonnait autour d’eux tandis que Bastian et Odette dansaient la valse. Le mouvement de leurs corps était aussi gracieux que les notes du violon, et leurs pas étaient en parfaite harmonie.
Au fur et à mesure qu’ils glissaient sur la piste de danse, Odette était profondément impressionnée par l’habileté de Bastian.
— Vous dansez très bien, murmura-t-elle, sa voix à peine audible au-dessus de la musique.
Bastian rit doucement, un éclat d’amusement dans les yeux.
— Les professeurs de Laven arrivent à faire danser même un singe comme un gentleman, répondit-il, les mots roulant facilement sur sa langue.
Les yeux d’Odette s’écarquillèrent de surprise. Laven était réputée être la plus prestigieuse école privée de l’empire, où même les enfants des familles les plus riches peinaient à entrer. Ce n’était pas un nom qu’on attendait de la bouche d’un homme méprisé pour ses origines modestes.
À la fin de la danse, Odette ne pouvait se défaire de la sensation de confusion. C’était le premier et le dernier bal auquel elle assisterait, et elle ne voulait pas partir avec le regret d’avoir dansé maladroitement une danse sur une nuit aussi belle. Elle repoussa ces pensées et se concentra sur l’instant présent, savourant les derniers instants de la valse avant qu’elle ne prenne fin.
Odette donna librement sa confiance à Bastian après avoir pris la résolution de le suivre, et il la guida habilement. Elle n’avait pas dansé la valse depuis la mort de sa mère, pourtant son corps semblait ne pas avoir oublié les instructions strictes de ces jours passés.
Tous deux développèrent peu à peu un flot naturel, comme une marée de vent. Odette se permit de se détendre.
L’empereur et l’impératrice étaient assis sur leurs chaises semblables à des trônes, satisfaits des événements qui se déroulaient devant eux. Pendant ce temps, Isabelle s’était retirée sur la terrasse, des larmes coulant sur son visage. Et là, il y avait Sandrine de Lavière, ou la comtesse Lenart, qui observait la scène avec une attention particulière, son regard se déplaçant sans cesse.
Bastian, quant à lui, était impressionné par les vagues que la présence d’Odette provoquait. Tout se déroulait selon le plan et même au-delà de ses espérances. Franz, son demi-frère, ne quittait pas Odette des yeux. Même lorsqu’il dansait avec sa fiancée, son regard était rivé sur la jeune femme. La fille de la comtesse Klein le remarqua et pleura, mais Franz semblait ne rien voir à part Lady Dyssen.
Souriant intérieurement, Bastian jeta un regard sur Odette. Elle était tellement gênée qu’elle dut se détourner, mais même en agissant ainsi, elle conservait une posture parfaitement équilibrée. Elle était légère sur ses pieds et se mouvait avec fluidité et grâce.
Bastian n’avait pas l’air de se soucier du fait que cette sortie ruinerait à jamais la réputation d’Odette. Vêtue de bijoux raffinés et d’une tenue éclatante, elle était venue ici en apparence comme une femme indépendante, qui ne boirait même pas une tasse de thé gratuitement, mais en fin de compte, elle cédait à sa propre cupidité pompeuse.
Elle était manifestement capable de comprendre la nature de la compagnie. Elle n’était pas une jeune femme naïve qui tomberait dans le piège de sa propre vanité lyrique, ce qui était en quelque sorte une chance.
Chacun d’eux avait besoin de l’autre pour servir ses propres intérêts et atteindre ses objectifs.
Le regard de Bastian se posa sur ses pommettes lisses et blanches comme de l’ivoire et ses magnifiques yeux avant de s’arrêter sur la nuque, où les veines bleues étaient clairement visibles. Ses yeux furent frappés par l’éclat d’un collier en diamant éblouissant qui ne pouvait sûrement pas appartenir à cette femme.
Au-dessus du décolleté de sa robe en éventail, le regard de Bastian, qui s’était fixé sur la ligne de lumière courant sur sa clavicule droite, se figea. La robe semblait mal ajustée à la silhouette de la femme, attirant une attention particulière sur sa poitrine. Des pinces avaient été utilisées pour cintrer sa taille, mais il ne semblait pas y avoir eu assez de temps pour les desserrer à nouveau.
Alors que la musique de la valse circulait gracieusement dans le grand salon, Odette se retrouva dans les bras du fameux capitaine Bastian Klauswitz. Il était grand et fier, ses yeux bleus perçants fixés sur elle comme s’il s’agissait d’un trésor précieux à garder et à cacher.
— Quelle belle pièce de bijouterie et de robe, murmura-t-il, ses lèvres se courbant en un sourire sournois.
À nouveau, il scruta les contours de son corps, cette fois-ci avec un intérêt particulier pour la couleur de ses sous-vêtements. Odette sentit un rougissement envahir ses joues et tenta de se retirer, mais ses bras la maintinrent près de lui, comme si elle était enfermée dans une cage, l’empêchant de s’échapper.
— Je vous remercie pour le compliment, capitaine, répondit-elle fermement, tentant de masquer les battements nerveux de son cœur.
— Vous allez le rendre après ce soir ? demanda-t-il, sa voix alourdie de sarcasme. Odette sentit la chaleur de son souffle sur sa joue alors qu’il se penchait plus près d’elle, son regard intense et inébranlable.
Malgré son inconfort, Odette ne pouvait s’empêcher d’être attirée par le charme captivant de cet homme dangereux. Les ombres projetées par les lumières vacillantes sur ses traits marquants ne faisaient qu’accentuer son allure mystérieuse et séduisante. Tandis que la valse se poursuivait, Odette savait qu’elle était piégée dans ses bras, et elle ne pouvait se défaire du sentiment qu’elle était de plus en plus entraînée dans un jeu dangereux.
Bien que ses paroles fussent indécentes, Odette choisit de ne pas les réprimander. Il était diplômé de l’Académie royale militaire et du prestigieux département d’histoire avant d’être nommé officier. Son éducation était plus aristocratique que celle de n’importe quel autre noble. De plus, cela impliquait que la sévérité de Bastian Klauswitz n’était pas due à un manque d’éducation.
— Oui. Parce que je l’ai louée pour un jour de salaire. Odette soutint le regard de Bastian avec une nouvelle confiance, la honte qui pesait sur elle se dissipant.
Je n’ai rien à cacher devant vous, capitaine, pensa-t-elle.
— Ne vous inquiétez pas trop, il me reste assez d’argent pour faire d’autres arrangements, dit-elle d’un ton défiant.
Bastian haussa un sourcil, impressionné.
— Lady Odette, vous êtes une femme beaucoup plus riche que je ne l’avais imaginé.
— C’est grâce à votre générosité, capitaine, répondit Odette avec un sourire rusé.
— Générosité ? Bastian demanda, intrigué.
— Oui, votre considération m’a permis d’économiser une grande somme d’argent sur le thé, répondit Odette, ses yeux brillant de plaisir.
Bastian rit doucement de sa réplique astucieuse, comprenant la pointe moqueuse de leur rencontre précédente.
— Bien joué, Lady Odette, dit-il en souriant.
Bien qu’il semble que sa vengeance n’ait pas tout à fait obtenu le résultat escompté, Odette ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine satisfaction d’avoir pris le dessus, même de manière minime.
Alors qu’ils dansaient, Bastian ne pouvait s’empêcher de contempler la beauté qui se tenait devant lui. La façon dont les bijoux sur la robe d’Odette scintillaient à la lumière, et la façon dont ses cheveux tombaient en cascade sur ses épaules, c’était comme si elle était une déesse venue lui rendre visite.
— C’est une chance que l’argent du thé soit dépensé pour quelque chose de bien plus précieux que les jeux du duc, dit Bastian d’une voix grave et douce.
Odette haussa un sourcil, un petit sourire se dessinant sur ses lèvres.
— Puisque c’est l’argent que je devais donner au capitaine, je vais l’utiliser pour ses bénéfices, dit-elle, une touche de malice dans sa voix.
Bastian éclata de rire.
— La prochaine fois, je devrai vous offrir un bon repas. Ainsi, la dame pourra économiser encore plus d’argent.
Mais Odette secoua la tête.
— Je suis désolée, mais je vais décliner cette offre, répondit-elle fermement.
— Pourquoi ? demanda Bastian, ses sourcils froncés de confusion.
— Je ne veux pas m’endetter pour quelque chose que je ne pourrais pas rembourser.
Bastian ricana, un sourire en coin.
— Je ne serais jamais dans la position d’avoir à vendre une femme aussi noble en échange d’une dette, dit-il avec une pointe de mépris.
— En pensant au souvenir du premier jour où j’ai rencontré le capitaine, je n’y crois pas vraiment, répondit Odette, ses mots un doux taquin.
Et tandis qu’ils dansaient, perdus dans leurs plaisanteries et leurs piques ludiques, Bastian ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain respect pour la femme devant lui. Elle était forte et indépendante, et son cou était aussi long et gracieux que celui d’un cygne. À mesure que la nuit avançait et que les lumières brillaient de plus en plus, Bastian savait que cette soirée resterait gravée dans sa mémoire à jamais, qu’il ne l’oublierait jamais, quoi qu’il arrive.
Dans leurs yeux légèrement teintés de lumière, ils continuaient à danser ensemble.
Odette tournait parfois la tête, mais Bastian la fixait calmement et profondément. Le bruit provenant de l’autre côté de la salle ne devint audible pour eux qu’à la fin de la danse. Bastian se tourna vers la source du murmure. Parmi les invités, qui s’étaient arrêtés de danser, choqués, se trouvait une femme vacillante.
C’était la princesse Isabelle, la responsable de la mise en scène de cette farce nuptiale.
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— Vous voilà !
Le cri perça l’air, résonnant à travers la grande salle de bal, et tous les regards se tournèrent vers l’agitation. Au milieu du chaos, la princesse entra en trombe, se faufilant entre Odette et Bastian.
Avec un rictus venimeux, Isabelle lança un regard rempli de dédain à Odette, sa voix pleine de mépris. — Je sais que vous essayez juste d’échapper à votre vie misérable. Vous n’êtes qu’une mendiante, sans la moindre dignité.
La colère brûlait dans ses yeux, Isabelle se jeta sur Odette, ses mots emplis de malveillance.
— Cette femme vous utilise juste pour votre argent. Elle n’est rien d’autre qu’une simple prostituée !
Dans un geste violent, Isabelle arracha le peigne décoratif des cheveux d’Odette et le jeta de côté. Elle tira brutalement les cheveux d’Odette, la faisant crier de douleur. Les lèvres de Bastian se tordirent en un rictus alors qu’il observait, admirant l’audace d’Isabelle d’attaquer Odette avec une telle violence, malgré son état d’ivresse.
— Voyez cette prétentieuse, toujours aveuglée par l’éclat des bijoux ! Vous y croyez ? dit Isabelle avec dégoût.
Bastian fit un pas en avant, ses bras forts protégeant Odette tandis qu’elle ramassait les morceaux brisés de son peigne. Isabelle, enragée par l’alcool, continua de fulminer, mais la présence calme de Bastian semblait apaiser sa fureur. Il lui parla d’une voix douce, tentant de la ramener à la raison, mais elle était au-delà de toute écoute.
— Vous êtes ivre, interrompit brusquement Bastian les agissements d’Isabelle.
— Bastian, je vous aime. Je vous aime tellement, murmura la princesse, ses yeux vides et brouillés, manifestement en état d’ivresse. Isabelle éclata en sanglots et se jeta dans les bras de Bastian. — Je préférerais que le monde entier sache mon amour pour vous plutôt que de vous perdre ainsi.
Les larmes coulant sur son visage, Isabelle s’accrocha à Bastian, lui confiant son amour désespéré. L’odeur d’alcool sur son haleine était accablante. Bastian la repoussa doucement, ses yeux emplis d’un mélange de pitié et de dégoût. Mais Isabelle, désespérée, se raccrochait à lui comme une personne au bord de la chute. Son cou, son menton et sa lèvre inférieure se pressaient contre lui dans des baisers aléatoires, ivres.
Ils ne savaient quoi faire et craignaient que la scène indécente ne déclenche un feu. Ce n’était pas beaucoup mieux pour Franz, qui observait la famille de sa fiancée tel un oiseau perdu.
Bastian tourna la tête pour éviter les avances indésirables, ses yeux se posant sur le trône impérial où une agitation avait éclaté, car l’impératrice était tombée de choc.
Alors que le couple impérial quittait précipitamment la salle, l’orchestre se tut, et la salle de banquet, jadis vibrante, resta dans un silence froid et oppressant. Le bal du printemps au palais avait pris fin de manière honteuse, et les invités furent laissés à méditer sur le chaos qu’Isabelle avait semé.
Les yeux de Bastian scrutèrent la pièce, observant les expressions paniquées des invités, la silhouette effondrée de l’impératrice. Il sourit, un petit sourire discret face à l’absurdité de tout cela. Il croisa le regard de son père, qui le regardait avec colère et déception, mais lui adressa un petit signe de tête de compréhension.
Puis il tourna à nouveau la tête, ses yeux se posant sur Isabelle, qui était toujours accrochée à lui, son visage en larmes et son maquillage ruiné. C’était une scène tragique, à la fois déchirante et élégante. À cet instant, Bastian ne put s’empêcher de ressentir un sentiment de détachement, comme s’il observait une pièce de théâtre, et les personnages n’étaient rien d’autre que des acteurs sur scène. La pièce se termina dans une tragédie élégante.