The Count’s Secret Maid (Novel) - Chapitre 1

Je suis la fille d’un paysan née sans rien et ayant grandi sans rien. Du moins, il était difficile de manger à cause du manque de ressources.

Un gagne-pain quotidien.

Une pauvreté terrible.

Lutter contre elle a été toute ma vie.

Le plus ironique, c’est que j’avais cinq enfants à ma charge en même temps.

Ma mère, incapable de supporter cette misère déchirante, s’est enfuie seule. Mon père, resté avec nous, buvait chaque jour et usait de violence.

Le plus jeune, encore nourri au sein, a été battu à mort. Le quatrième est mort de faim. Le deuxième a été vendu à un bordel, et le troisième a été élevé comme un trésor, car son visage était joli. C’était un signe qu’elle serait bien entretenue et qu’elle épouserait un jeune noble pour assurer sa fortune.

Quant à moi, l’aînée, la laide, il m’a gardée auprès de lui.

Mes journées se résumaient à chercher de la nourriture, laver le linge, nettoyer, travailler à la boulangerie de Mark en ville durant la journée, puis être battue par mon père violent la nuit.

Une existence misérable, sans aucun répit.

Mon visage, déjà disgracieux, gonflait sous les coups et devenait encore plus hideux. Puis, durant ma croissance, j’ai brisé ma jambe et ma taille s’est arrêtée net.

Une naine difforme.

C’est ainsi que les enfants du village m’appelaient.

Si l’enfer existait, alors il était ici et maintenant. J’enviais ma troisième sœur qui devenait chaque jour plus belle, et je ne supportais plus la violence de mon père. Plusieurs fois, j’ai essayé de me pendre pour en finir. À chaque tentative, j’étais interrompue : mon père me surprenait, quelqu’un me trouvait dans la rue, ou bien la corde se rompait juste avant que je ne perde connaissance.

C’était ma prison, et j’en étais la condamnée.

Non… J’aurais préféré être dans une vraie prison.

Mon père ne m’a pas vendue au bordel parce qu’il avait besoin de quelqu’un pour faire les tâches domestiques. Mais c’était un demi-mensonge. Il m’a vendue parce que j’étais laide. Je l’ai compris en écoutant les ragots des femmes du village, alors que je lavais mes mains sans rien soupçonner.

Ma mère appelait mon père un démon. Je l’appelle de la même manière. Ma vie future serait entre les mains de ce démon.

Si ce n’est pas une tragédie, alors qu’est-ce que c’est ?

Mais jusqu’au bout, Dieu ne m’a pas abandonnée.

Un vieil homme est venu au village lorsque, par miracle, ma taille a fini par grandir. Mes longues franges cachaient mon visage disgracieux. Je ne savais pas pourquoi un gentleman, vêtu d’un luxe éclatant de la tête aux pieds, s’était aventuré dans ce coin reculé.

C’est en se promenant dans le village qu’il m’a remarquée et a fait un signe dans ma direction.

— Je veux l’engager.

L’homme posa poliment un paquet de pièces d’or sur la table. Mon père, absorbé par la vue des pièces, déglutit bruyamment. Son esprit cupide alternait entre le vieil homme devant lui et le précieux butin posé à sa portée.

Il voulut s’en emparer immédiatement, mais il se retint, crispant sa main tremblante et adoptant un air faussement indifférent.

— Monsieur, ma fille est honorée d’avoir attiré l’attention d’un gentleman. Mais, voyez-vous, elle est bien inexpérimentée… Elle ne sait dire que « merci », et tout ce qu’elle a appris, c’est à mendier. Si, plus tard, elle ne vous convient pas…

— Ne vous inquiétez pas pour cela. Même si elle ne me plaît pas, je ne la renverrai pas.

Le vieil homme fit glisser la bourse de pièces vers mon père, répondant d’un ton calme. Mon père se força alors à réprimer le sourire carnassier qui menaçait de lui déformer le visage. Il tourna son regard vers moi, assise à ses côtés. Son expression se voulait affectueuse, mais Paula en eut des frissons d’horreur.

— Ma chère enfant, votre père respecte votre avis. J’aimerais avoir cet argent, bien sûr, mais rien n’est plus important que vous. Dites-moi librement ce que vous en pensez.

Puis, de sa large main, il saisit mon poignet maigre. Sa poigne était si forte qu’il aurait pu m’écraser les os. Son visage affichait une inquiétude feinte pour sa précieuse fille, mais ses yeux brillaient d’avidité, rivés sur les pièces d’or.

Le vieil homme, quant à lui, attendait en silence ma réponse. Si je refusais, il partirait à la recherche d’une autre fille, et mon père me battrait à mort pour me punir d’avoir désobéi.

— J’irai.

— Mon enfant…

Abby me serra dans ses bras avec un air extatique, une voix faussement émue brisant son timbre rauque. Je dus réprimer l’envie de repousser la main qui caressait doucement mon dos.

Je préparai mes maigres affaires, puis suivis le vieil homme. Tout ce que j’avais tenait dans un seul sac. Pas de vêtements, pas d’objets personnels. Cependant, contrairement à d’habitude, je portais une robe brodée de jolies fleurs au lieu des haillons poussiéreux que je mettais chaque jour.

— Adieu. Soyez prudente.

Mon père, posté devant la porte pour me voir partir, me tapota l’épaule. Son geste contenait une pression muette : il attendait de moi que je satisfasse le gentleman.

Ma troisième sœur, Alicia, qui se tenait à côté de lui, m’adressa un sourire.

— Au revoir, grande sœur. Reste là-bas longtemps.

— …Ne reviens jamais.

Alicia murmura ces mots. Mais devant mon absence de réaction, elle se contenta de sourire et de remuer les lèvres.

Je lui lançai quelques mots, pour la dernière fois.

— Prends soin de ce joli visage. C’est la seule chose que tu possèdes.

— Quoi ?!

Sans un regard en arrière, je m’éloignai d’elle.

Le lieu où me conduisit le vieil homme me laissa sans voix. Un immense manoir s’étendait sous mes yeux ébahis. Il était plus vaste et plus somptueux que la demeure du seigneur le plus riche du village.

« Wow… »

J’exprimai ma stupeur en suivant le vieil homme à l’intérieur.

— Vous êtes de retour.

Une femme d’âge mûr, habillée avec élégance, vint à la rencontre du gentleman. Celui-ci hocha simplement la tête et ôta son chapeau.

La femme remarqua ma présence derrière lui et s’enquit :

— Qui est cette enfant ?

— Elle est celle qui servira le maître à partir de maintenant.

Le maître ?

Je jetai un regard interrogateur au vieil homme, qui me fit signe d’avancer. Je m’exécutai à pas lents, tandis que la femme me détaillait de la tête aux pieds, comme si elle m’évaluait. Je déglutis avec nervosité et attendis son verdict.

— Bien.

Apparemment, j’avais obtenu une bonne note. Elle hocha la tête et se détourna.

Le vieil homme tourna également les talons, prenant une autre direction.

Je les observai s’éloigner chacun de leur côté, puis emboîtai le pas à la femme.